Taux négatifs : le poison de l’argent moins cher que gratuit.

Nous sommes entrés dans un nouvel environnement économique qui fait courir de grands risques à nos économies : celui des taux négatifs. Les chiffres donnent le vertige. On estime qu’il y a plus de 10 000 milliards de dollars de dette à taux négatifs. C’est sidérant. Le 10 ans allemand est en territoire négatif. Pire : près de 60% des Bunds ne sont plus éligibles au programme d’achats d’actifs publics de la BCE (rendement < au taux de la facilité de dépôt soit -0,40%).

Quand on parle de taux négatifs, de quoi s’agit-il exactement ? C’est très simple : les créanciers payent pour détenir des emprunts d’Etat. C’est comme si votre crédit, non seulement ne vous coûtait rien mais qu’en plus il vous rapportait. Vous empruntez 10 000 euros sur 3 ans et vous ne remboursez que 9 500 euros…Comment en est-on arrivé là ? C’est l’action des banques centrales qui a engendré cette situation en inondant de liquidés les marchés. La BCE s’est lancée depuis mars 2015 dans un programme massif de rachats d’obligations souveraines. L’argent tombe du ciel. Mélenchon et Le Pen en ont rêvé, la BCE l’a fait.

Alors bien sûr, ces taux historiquement faibles ont bénéficié à beaucoup de monde. Nombreux sont les Français qui en ont profité pour renégocier leurs emprunts (immobilier surtout). Bien sûr, les Etats très endettés profitent également de l’aubaine. En France, en 2015, plus de la moitié de la baisse du déficit de l’Etat est due à la diminution de la charge de la dette (-2,3 milliards d’euros). Mais les risques sont considérables et la situation n’est pas saine.

La première erreur consiste à penser que cette politique monétaire peut relancer l’investissement et relancer l’économie réelle. En réalité, elle a un impact significatif sur l’encours actuel (et lamine les revenus bancaires) mais ne suscite pas une demande de crédit supplémentaire. Seul le retour de la confiance pourrait le faire.

La deuxième erreur consiste à croire que les risques sont imités. En effet, cette politique monétaire fausse l’allocation des ressources et sanctionne l’épargne. Elle peut aussi alimenter des bulles spéculatives. Par ailleurs, elle n’incite pas les Etats à faire des réformes pourtant nécessaires et à améliorer leurs comptes publics. Pourquoi faire des efforts alors que l’argent est encore moins cher que gratuit ?

La troisième erreur réside dans l’idée qu’on peut sortir facilement de cette situation. Le Japon est là pour nous rappeler que c’est une spirale infernale dont on ne sort pas facilement. On voit les premiers signes de tension en zone euro : les obligations d’Etat éligibles au programme de la BCE sont de moins en moins nombreuses. Du coup, la BCE rachète des oblations d’entreprises et envisage d’assouplir ses propres règles.

C’est une fuite en avant suicidaire. Le réveil sera brutal et douloureux. Personne ne peut dire quand cela se produira (peut-être dans longtemps) mais cela se produira.