Crise financière : mécanismes de propagation. Partie 2.

Dans mon précédent texte nous avons vu quelles ont été les origines de cette crise financière dévastatrice. C’est une crise liée à un excès de crédit subprime. La FED (Federal Reserve) et l’Etat américain ont poussé les banques à trop prêter et donc à prendre des risques considérables. Tout cela n’explique pas pourquoi cette crise financière au départ purement américaine, s’est propagée à l’ensemble de la planète finance.

La principale cause s’appelle « titrisation ». Sans trop entrer dans les détails, la titrisation consiste à transformer ses créances en titres financiers et à les revendre à des investisseurs. Cette technique présente l’avantage de sortir du bilan de la banque créancière le risque emprunteur, et constitue une source de refinancement. L’investisseur qui achetait du papier subprimes pouvait obtenir des rendements très élevés en contrepartie de cette prise de risque. Dans un cas classique, une banque A qui prête à un client B porte le risque de défaut. Si monsieur B ne peut plus rembourser, la banque A provisionne dans ses comptes le montant correspondant à la perte estimée. Avec la titrisation, la banque A a revendu le crédit fait à monsieur B à plusieurs investisseurs. Du coup, si monsieur B ne peut plus payer, la perte est plus diffuse et est répartie entre tous les investisseurs. Ce système fonctionne bien si le taux de défaut de paiement reste sous contrôle. Or les banques américaines, toutes heureuses de pouvoir sortir de leurs bilans le crédit subprime et ne portant plus le risque, ont prêté de façon excessive et déraisonnable. Ainsi, en 2006, 75% des 600 milliards de dollars de crédits subprimes ont été titrisés soit 448 milliards. Entre temps, le taux de défaut de paiement a explosé et le risque subprimes a contaminé la planète finance. La faillite de Lehman-Brothers a donné un coup d’accélérateur puissant à la crise. Après ce coup de tonnerre, les banques ne pouvaient plus se faire confiance. Qui avait pris des actifs toxiques ? Quelle était la prochaine banque qui allait faire faillite ? Telles étaient les questions que tous les banquiers se posaient. Résultat, le marché interbancaire s’est complètement bloqué. Les Etats se sont portés au secours de certaines banques en les nationalisant. Il faut préciser que toutes les banques du monde n’ont pas été touchées de la même manière, certaines ayant fait preuve de plus de prudence. Comme indiqué précédemment, les banques françaises en font partie et les prêts consentis par l’Etat français (qui ne leur a pas « donné » des milliards comme certains veulent le faire croire avec beaucoup de malhonnêteté) lui ont rapporté plus de 2,5 milliards d’euros d’intérêts entre 2007 et 2010 selon des calculs effectués par Eurostat en avril 2010. A l’inverse, l’Irlande a perdu 35 milliards d’euros à cause de ses banques et l’Allemagne en a dépensé 16 milliards, à cause notamment des fameuses landesbanken, ses banques régionales qui ont été particulièrement touchées par la crise.

Après ce choc financier intense, la crise de confiance s’est propagée à l’économie réelle, plongeant le monde dans une récession brutale avec une montée du chômage généralisée.

Au bout du compte, qui est responsable de ce désastre? D’abord les banques américaines qui ont trop prêté à des emprunteurs trop peu solvables. Elles y ont été incitées, on pourrait même dire contraintes, par l’Etat américain qui porte la responsabilité la plus lourde. Il fallait prêter à tout le monde afin d’atteindre les objectifs fixés en matière d’accession à la propriété. Irresponsable. La FED a également sa part de responsabilité avec une politique monétaire très (trop) accommodante pendant très longtemps. N’oublions pas non plus que la FED (l’équivalent de notre BCE) c’est également (indirectement) l’Etat américain. Le président de la FED est nommé par le président des Etats-Unis. Les agences de notation portent aussi une lourde responsabilité dans cette crise : elles ont attribué des notes excellentes à des actifs pourris. Tout cela s’est fait sur fond de connivences entre la classe politique américaine et Wall Street. Henry Paulson, ancien patron de Goldman Sachs nommé par G. Bush secrétaire au Trésor en est la parfaite illustration.

Voici l’histoire en résumé : l’Etat américain veut beaucoup de propriétaires, il pousse donc les banques à prêter au maximum. Pour cela il créé des établissements parapublics chargés de refinancer les prêts hypothécaires. Il pousse la FED à adopter une politique monétaire qui rend le crédit quasiment gratuit. Argent gratuit + garantie implicite de l’Etat…Le cocktail est explosif. Les banques en profitent et prêtent au-delà du raisonnable. Les agences de notation peu regardantes, attribuent d’excellentes notes à tous les produits financiers issus des subprimes. Les investisseurs qui se basent sur la notation des produits financiers concernés se précipitent et en achètent à tour de bras. Le résultat fut catastrophique. On voit dans cet enchaînement (simplifié) des faits, que le rôle de l’Etat n’est non seulement pas neutre mais même déterminant dans cette crise.

One Comments

  • Copeau 23 août 2016

    Excellente série d’articles. Une grande clarté. Un raisonnement implacable.

    Merci Flavien.

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