A propos du logement social en France.

La Cour des comptes vient de publier un rapport qui s’inscrit dans les évaluations des politiques publiques concernant le logement social. Intitulé « Le logement social face au défi de l’accès des publics modestes et défavorisés », ce rapport est très important et très complet. Le logement social est un sujet politiquement sensible qui m’intéresse au plus haut point. C’est pour cette raison que j’ai accepté d’être administrateur (non rémunéré, par les temps qui courent il est préférable de le préciser) de l’Ophis.

L’objet de ce texte synthétique est de donner quelques chiffres clés et de vous faire partager quelques réflexions personnelles sur le logement social.

  • En 2016, la France comptait 4,8 millions de logements sociaux. Ce parc de LLS (logements locatifs sociaux) représente un peu moins de 17% des résidences principales. Mais, je trouve que ce chiffre est peu pertinent (il sert pourtant de base pour le calcul SRU). En effet, 57% des Français sont propriétaires de leur résidence principale et ne sont donc pas « éligibles » pour le parc social. Du coup, il est plus logique de rapprocher le nombre de LLS avec le parc locatif dans son ensemble. Or les chiffres sont étonnants : le logement social représente pratiquement la moitié du parc locatif total. C’est considérable.
  • Le logement social est hautement subventionné par de l’argent public. Les derniers comptes du logement évaluent le montant des aides publiques à 17,5 milliards d’euros en 2014 soit 43% de l’ensemble des aides au logement. Quelques exemples d’aides publiques apportées aux bailleurs sociaux : pour construire du logement social, les bailleurs ne payent pas le foncier au prix du marché et les bailleurs sociaux ne payent de foncier bâti pendant 25 ans.
  • Les objectifs définis par la loi concernant le logement social sont les suivants « Améliorer les conditions d’habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées » en ayant des objectifs de mixité sociale. C’est l’article L411 du code de la construction et de l’habitation qui précise ces éléments.

A partir de ces points, il convient de se poser deux questions :

  • Les objectifs fixés par la loi, sont-ils atteints ?
  • Faut-il construire plus de logements sociaux ?

1/ Les objectifs fixés par la loi, sont-ils atteints ?

Non les objectifs fixés par loi ne sont pas atteints. Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur une donnée, une seule : le parc social excède d’un million de logements l’effectif total des ménages locataires situés sous le seuil de pauvreté or, le logement social ne bénéficie qu’à la moitié d’entre eux. En clair, la moitié des ménages qui en ont le plus besoin ne bénéficie pas d’un logement social. C’est inacceptable. La raison est simple : 65% des ménages français sont éligibles à un logement social. C’est beaucoup trop et cela traduit une dérive par rapport aux objectifs fixés par la loi (Améliorer les conditions d’habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées). Le logement social doit d’abord et avant tout profiter aux personnes qui en ont le plus besoin et ce n’est pas le cas aujourd’hui.

2 / Faut-il construire toujours plus de logements sociaux ? Il y a 1,9 million de demandeurs sur liste d’attente (dont 600 000 en demande de mutation interne tout de même). Avec ce chiffre la réponse logique à la question serait de répondre oui. Les recommandations de la Cour des comptes dans son rapport ne vont pas dans ce sens. La Cour pointe le fait que « La politique du logement est trop orientée vers la construction neuve et insuffisamment vers une gestion active du parc existant ». Pour appuyer ses recommandations, la Cour donne des précisions. Pour atteindre les objectifs fixés par la loi SRU (20% de LLS et 25% de LLS en zone tendue), il faudrait construire en moyenne 60 000 logements sociaux par an. Aujourd’hui, il y a 120 000 LLS/an soit un rythme deux fois plus élevé que nécessaire, or la Cour estime que l’effort de construction est très (trop) coûteux.

Parmi les pistes évoquées pour améliorer l’efficacité des politiques publiques en matière de logement social, il faudrait augmenter le taux de rotation (de 9,6% par an avec de fortes disparités d’un territoire à l’autre). L’amélioration de 1% de la rotation du parc reviendrait à remettre dans le circuit une offre équivalente à la construction de 50 000 logements sociaux par an. La rotation est trop faible pour une raison simple : comme le dit la Cour, « l’attribution d’un logement social revient à en remettre les clés à vie au bénéficiaire » et ce, même si sa situation financière s’améliore considérablement. Les dispositifs visant à empêcher cet immobilisme sont très peu efficaces. C’est un gros problème car ce bénéficiaire d’un logement social qui a les moyens de se payer son logement dans le parc privé, bloque l’accès à un LLS à un ménage qui en a vraiment besoin.

Aujourd’hui les choses sont claires : nous construisons toujours plus de logements sociaux sans résoudre les problèmes des plus démunis. La France construit 40% du logement social en Europe mais ne représente que 15% de la population. Malgré cela, certains réclament toujours plus de logements sociaux alors que le parc locatif est hautement étatisé (près de 50% du parc locatif). A partir du moment où 65% de la population peut bénéficier d’un logement social, on peut considérer qu’il en manquera toujours. Le logement social doit permettre aux plus modestes de bien se loger mais pas à 65% de la population. Près de 5 millions de logements sociaux existent aujourd’hui et c’est suffisant pour répondre à cet objectif fixé par la loi. Cela nécessite de modifier les conditions d’attribution et de diminuer les plafonds de ressources pour être éligible à un logement social.

One Comments

  • Georges KNAPNOUGEL 14 mars 2017

    Tu devrais envoyer ton texte aux candidats à la Présidentielle
    ils ne s’expriment guère sur le sujet !

Comments are closed.