Les retraites sur la table

Le dossier des retraites est sur la table. Les négociations promettent d'être compliquées, serrées entre le gouvernement et les syndicats. Le sujet est complexe, donc propice aux simplifications extrêmes voire aux caricatures. Le rapport du COR sert de base à toute réflexion. Lire ici

Que nous dit le rapport ? Le rapport part sur plusieurs hypothèses économiques (croissance, chômage…) pour établir ses prévisions de besoin en financement pour notre système par répartition. Petit rappel : le système par répartition fonctionne de la manière suivante : les actifs financent avec leurs cotisations des retraités du moment. Donc ceux qui se disent "j'ai cotisé, j'y ai droit" se trompent lourdement. La pension de retraite qu'ils toucheront sera financée par les cotisations d'autres personnes et non pas grâce à leurs cotisations qui auront été capitalisées.

Donc, le mécanisme fonctionne si les actifs sont assez nombreux pour assurer le bon financement du système. Le COR a travaillé sur 3 hypothèses : une avec un taux de chômage à 4,5% en 2020 et une hausse de la productivité de 1,8% / an (A), une avec un chômage de 4,5% en 2020 et une hausse de la productivité de 1,5% / an (B) et enfin une avec un taux de chômage à 7% et une hausse de la productivité de 1,5%/ an (C).

Les deux premières hypothèses semblent difficiles à atteindre et donc peu crédibles. Notre économie n'arrive pas à faire passer durablement son taux de chômage sous les 7%.Si l'hypothèse C se réalise (ce qui serait finalement pas si mal au bout du compte lorsque l'on regarde les performances de notre économie sur les 30 dernières années), le solde annuel du système de retraite serait déficitaire de 115 milliards d'euros par an. Un telle scénario est intenable économiquement.

Alors que répondent les septiques ? Plusieurs choses : d'abord on a lu et entendu certains dire que cette hypothèse n'était pas crédible et qu'elle était là pour faire peur aux Français. Lire ici

D'autres mettent en doute la crédibilité des chiffres avancés par le COR (c'est classique : quand des chiffres dérangent c'est plus simple de mettre en doute leur véracité que d'argumenter). Lire ici

Une précision : le COR s'est effectivement trompé dans son rapport de 2007. Le déficit qu'il avait prévu pour 2030 est pratiquement déjà là, en 2010…

Au delà des commentaires sur ce nouveau rapport, il est intéressant d'essayer de comprendre les propositions de ceux qui prônent le maintien de l'âge légal du départ à la retraite à 60 ans. En réalité, il n'y a pas beaucoup d'originalité dans les différents propos que l'on entend ici ou là. "Élargir l'assiette du financement des retraites", pour Mélanchon le plus simple c'est de "faire payer les riches avec une main de fer"…Bref, selon le bon vieux slogan d'extrême gauche : prendre l'argent là où il est, c'est à dire chez les (très méchants) riches. Et bien chiche camarade Mélanchon ! Tordons le bras à ces riches qui appauvrissent, affament et exploitent le bon peuple de France. Allons-y et sauvons notre système par répartition bien aimé ! Je propose de doubler, non de tripler, et puis zut, ils ont les moyens de payer, je propose donc de multiplier par 4 l'ISF. Et pan sur le bec des riches. On va multiplier cet impôt (que tous les gouvernements socialistes d'Europe ont supprimé) par 4. Bien fait.

Alors quel serait le résultat de cette vraie mesure de justiiiiiiiiiiice sociaaaaaaaaaaale ? Bon d'abord, une telle décision ferait fuir de France les contribuables concernés. Mais imaginons que ces Français décident dans un élan d'inconscience de rester malgré une telle décision. Et bien les recettes de l'ISF passeraient de 3 milliards d'euros par an à 12 milliards.  Camarade Mélanchon, une fois que vous avez "fait payer les riches", comment faites-vous pour les 105 milliards qui manqueront encore ?

Augmenter les cotisations patronales ? Bien sûr. Et puis après chaque annonce de nouvelles délocalisations nous irons verser des larmes de crocodile en criant au scandale face "aux patrons voyous". Impossible d'alourdir le coût du travail, notre compétitivité nous coûte trop d'emplois, notre industrie ne peut plus faire face à la concurrence des pays émergents. Évitons de lui ajouter de nouveaux boulets aux pieds.

Reste la possibilité de travailler plus longtemps et de décaler l'âge de départ à la retraite. Tous les pays l'ont fait, il faudrait le faire, c'est inéluctable. Au fait, les socialistes qui prennent souvent les pays du nord de l'Europe comme modèles, savent-ils que le Danemark vient de faire passer l'âge de départ à la retraite à 67 ans ? Savent-ils que tous les gouvernements socialistes d'Europe ont pris la décision de décaler l'âge légal de départ à la retraite ? Comment faire autrement alors que l'espérance de vie augmente vite (et c'est tant mieux). A la fin de la guerre, une personne qui partait à la retraite avait une espérance de vie de quelques années tout au plus. Les jeunes retraités d'aujourd'hui peuvent espérer vivre 30 ans…

Pour finir, lorsque l'espérance de vie sera de 120 ans (c'est pour bientôt), les socialistes seront toujours pour maintenir l'âge légal de la retraite à 60 ans ? Et quand on pourra vivre 150 ans, pareil ????

Cette position dogmatique est consternante.

3 Comments

  • Daniel 16 avril 2010

    Je ne comprends pas pourquoi ; il faut reporter l’âge de départ à la retraite à plus de 60 ans car les salariés sont poussés dehors bien avant 60 ans à l’heure actuelle. Si cette façon de faire ne change pas, je n’en comprends pas l’efficacité. Ou alors , un chomeur coûte moins cher qu’un retraité.
    Je comprendrais mieux un coktail : augmenter les annuités de cotisations ( si on veut partir à la retraite à 60 ans sans taux plein , ça regarderait chacun) et augmenter les prélévements tels la CSG (en sortant ces prélévements du bouclier fiscal par souci d’équité plus que d’efficacité) et une supression massive des niches.
    Si on peut dire que les oppositions et les syndicats utilisent l’hypocrisie pour balayer le problème des retraites ; on ne peut pas en dire autant d’Emmanuel Valls qui comprend fort bien qu’il y a des sacrifices à faire pour sauver le régime des retraites et qu’il faut sortir de la démagogie.
    Par ailleurs , ce dernier n’est pas hostile à la suppression de l’isf mais à une remontée de la barre de l’Ir ; ce qui est le bon sens.
    Enfin , regrouper tous les impôts en un seul , cela me paraîtrait plus clair.

  • daniel 17 avril 2010

    erratum.
    Emmanuel Valls n’est pas hostile à la suppression de l’isf mais il est favorable à une remontée de la barre supérieure de l’Ir . Cela me paraît le bon sens.

  • Flavien 19 avril 2010

    Daniel bonjour,
    diminution du nombre de niches fiscales ? Mille fois oui.
    Augmenter les annuités de cotisations ? Bien sûr.
    Regrouper tous les impôts en un seul ? Sur le papier c’est séduisant mais je n’y crois guère, trop compliqué.
    Ce qu’Emmanuel Valls comprend, peu de gens au PS le comprennent ou bien font semblant de ne pas comprendre.

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