Le pouvoir d’achat
Le pouvoir d’achat était au cœur des revendications des manifestants jeudi dernier. Le pouvoir d’achat est devenu depuis 2006 la préoccupation n°1 des Français devant le chômage. En réalité, le pouvoir d’achat est au centre du débat public depuis la campagne des élections présidentielles. Avec d’un côté le "travailler plus pour gagner plus" et le SMIC à 1500€ de l’autre, il ne pouvait pas en être autrement. Vous ajoutez à ce point la hausse vertigineuse des prix du pétrole et de certaines matières premières alimentaires et vous obtenez un sujet de préoccupation majeur pour les Français.
Pourtant il convient de rappeler certaines réalités pas toujours faciles à entendre. D’abord, le pouvoir d’achat qui est parfaitement mesuré par l’INSEE a augmenté ces dernières années : lire ici
2008 marque une rupture avec la tendance haussière de ces dernières années mais le recul est léger alors que les ménages ont le sentiment qu’il a fortement baissé. Comment expliquer cet écart entre perception et statistique ? Une partie de l’explication vient du fait que les deux choses ne sont pas comparables. En effet, le pouvoir d’achat d’un point de vue statistique c’est le revenu disponible brut-inflation (je simplifie un peu) alors que les ménages mesurent leur pouvoir d’achat à l’argent qui reste après avoir payé toutes les dépenses contraintes (ce qui est prélevé sur le compte). Or depuis quelques années de nouvelles dépenses sont mensualisées : les impôts sont souvent mensualisés, les dépenses courantes (eau gaz) mais aussi et surtout les nouvelles dépenses de communication. Ainsi, il n’est pas rare d’avoir au sein d’une même famille deux ou trois portables. Parfois même il peut y en avoir 4…A 40 ou 50€, la facture est lourde tous les mois. Ce sont donc près de 150€ ou plus qui prélevés sur le compte. Du coup, les ménages ont de moins en moins d’argent disponible le 10 du mois pour faire leurs courses, aller au cinéma ou au restaurant. Mais dans ce cas précis, il ne s’agit pas d’une baisse de pouvoir d’achat mais d’un changement dans la façon de consommer.
Il y a peu de temps, je discutais avec un très bon ami qui se plaignait de son pouvoir d’achat "qui ne cesse de diminuer au point de ne pas pouvoir acheter des fruits et légumes" comme il le souhaiterait. Il était très remonté contre la crise, les banquiers, Sarkozy…Au bout d’un moment je lui ai demandé combien il dépensait pour son portable; réponse 65€ par mois (sans compter celui de sa femme). Je lui ai donc conseillé de rendre son portable ce qui lui aurait permis de se payer des salades et des carottes sans problème (je précise que ce portable n’est pas à usage professionnel). Il m’a regardé en me demandant si j’étais sérieux. Bien sûr que j’étais sérieux: si on n’a plus assez d’argent pour s’acheter de quoi manger, on n’a plus d’argent non plus pour se payer un portable. Il n’a pas rendu son portable. Mieux, je l’ai revu après Noël et…il s’est acheté un écran plat pour se faire plaisir à Noël (107cm).
Cela ne l’a pas empêché d’aller manifester jeudi dernier…pour défendre son pouvoir d’achat bien sûr.
Pour finir, je comprends que tout le monde ait envie de gagner plus. Il y a en France des personnes dans une situation extrêmement précaire, c’est un fait. Mais n’oublions pas que, selon la Banque Mondiale, il y a environ 3 milliards d’êtres humains qui vivent avec moins de 2,5 dollars par jour, qu’il y a 1 milliard d’êtres humains qui n’ont pas accès à l’eau potable, qu’il y a dans le monde 150 millions d’enfants qui souffrent de malnutrition, 100 millions d’enfants qui vivent dans la rue et 8 millions qui meurent chaque année à cause de la pauvreté (faim ou maladie) soit 22000 par jour, c’est à dire 15 à chaque minute qui passe.
Flavien Neuvy
Découvrez La chanson du dimanche!
Je comprends la position des syndicats et de la gauche d’augmenter les revenus des consommateurs. Toutefois, si c’est pour comsommer « made in China » : quel intérêt pour la défense de l’emploi en France ? Il en va de même pour la prime à la casse pour les voitures : les clients se tournent essentiellement vers les petits modèles, alors qu’ils sont fabriqués dans des pays à faible coût de main d’oeuvre…