Il y a un an, Lehman…
15 septembre 2008, 00H57, l’annonce officielle tombe :
Lehman Brothers ne relèvera pas le Trésor américain ayant refusé d’apporter sa
garantie pour une ligne de crédit supplémentaire et ayant refusé d’apporter sa caution à un éventuel repreneur. L’inimaginable se produit : c’est la
première fois qu’une banque si importante par la taille de son bilan (600
milliards de dollars) fait faillite. Les conséquences de cette chute sont d’une
brutalité extraordinaire. Le système financier est paralysé, l’argent ne
circule plus entre les banques car elles ne se font plus confiance.
1 an après cette faillite, comment ne pas revenir quelques
lignes durant sur les origines de cette crise profonde que le monde traverse
depuis plusieurs mois maintenant.
Il faut être précis et rester factuel car la tentation est
grande pour certains de tenter de faire croire tout et n’importe quoi sur les
causes et les conséquences de la crise la plus grave depuis la grande
dépression des années 30.
Que s’est-il passé et dans quel ordre se sont succédés les
évènements ? Tout a commencé par la crise des subprime aux USA.
Cette crise des subprime s’est transformée en crise financière qui
elle-même s’est transmise à l’économie réelle. Ce troisième temps de la crise
correspond à la récession traversée par le monde. Il semble bien que nous
soyons dans le quatrième temps avec une stabilisation de la plupart des
économies dans le monde, voire un début de reprise pour certaines d’entre elles.
Je vais centrer mon propos sur les origines de la crise et
ses mécanismes de propagation. La crise a débuté aux USA avec la crise des subprime.
Une rapide définition du crédit subprime : un crédit subprime
est un crédit accordé à une catégorie d’emprunteurs peu ou pas solvables. Ces
emprunteurs présentent un risque de défaut de paiement particulièrement élevé.
Songez par exemple, qu’il n’était pas rare de voir des ménages ne pouvant plus
rembourser leurs crédits en cours se voir attribuer des prêts supplémentaires.
En outre, le crédit subprime présente de nombreuses spécificités
techniques hautement risquées (comme par exemple la possibilité de commencer à
réellement rembourser son crédit en capital plusieurs années après la mise à
disposition des fonds). Les banques accordaient des crédits subprime sans
même vérifier la solvabilité des emprunteurs (revenus et endettement) en se
basant sur la seule valeur estimée du bien acheté. C’est une folie pure qui
conduit droit le mur. En France mais également en Europe, les méthodes d’octroi
sont complètement différentes : la solvabilité de l’emprunteur est
systématiquement évaluée et une crise des subprime à
« l’américaine » est simplement impossible en France. Aux USA, tout s’est globalement bien passé
pendant plusieurs années. En effet, les emprunteurs en difficulté pouvaient
revendre leur bien à un prix convenable et ils pouvaient ainsi solder leur
prêt. Hélas, le marché de l’immobilier s’est retourné en 2006-2007 et les
premières difficultés sérieuses sont apparues.
Alors comment des banques américaines ont-elles pu prendre
autant de risques ? Pourquoi n’ont-elles rien vu venir et comment le
risque s’est-il propagé à l’ensemble de la planète ? La réponse est simple
et s’appelle « titrisation ». Sans entrer dans des détails techniques, la titrisation consiste à transformer ses créances
en titres financiers et à les revendre à des investisseurs. Cette technique
présente l’avantage de sortir du bilan de la banque créancière le risque
emprunteur. L’investisseur qui achetait du papier subprime pouvait
obtenir des rendements très élevés en contrepartie de cette prise de risque. Auparavant,
une banque A qui prêtait à un client B portait le risque de défaut. Si monsieur
B ne pouvait plus rembourser, la banque A provisionnait dans ses comptes le
montant correspondant à la perte estimée. Avec la titrisation, la banque A a
revendu le crédit fait à monsieur B à plusieurs investisseurs. Du coup, si
monsieur B ne peut plus payer, la perte est plus diffuse et est répartie entre
tous les investisseurs. Ce système fonctionne bien si le taux de défaut de
paiement reste sous contrôle. Or les banques américaines, toutes heureuses de
pouvoir titriser à outrance et ne portant plus le risque, ont prêté
de façon excessive et déraisonnable. Avec la hausse des taux décidée par la Federal
Reserve (de 1,5% à 5,25% en deux ans), le taux de défaut a explosé. Entre temps,
le risque subprime s’est propagé sur la planète finance avec la faillite
de Lehman qui symbolise à elle seule la crise financière. Après ce coup de
tonnerre, les banques ne pouvaient plus se faire confiance. Qui avait pris du subprime ?
Qui allait faire faillite ? Telles étaient les questions que tous les
banquiers se posaient. Résultat, le marché interbancaire s’est complètement
bloqué. Après ce choc financier intense, la crise de confiance s’est propagée à
l’économie réelle plongeant le monde dans une récession brutale. Il convient de
préciser que toutes les banques du monde n’ont pas été touchées de la même
manière, certaines ayant fait preuve de plus de prudence (les banques
françaises en font partie). Qui est responsable de ce désastre? D’abord les
banques américaines qui ont trop prêté à des emprunteurs trop peu solvables. Ensuite
les agences de notation qui ont attribué des notes excellentes à des actifs
pourris. N’oublions pas non plus les normes comptables (IFRS) qui imposent des
règles concernant la Fair value et qui ont accéléré la crise.
Pour finir, un mot sur les traders dont on a beaucoup parlé
ces derniers temps : ils n’y sont pour rien dans cette crise. Je comprends
bien qu’intellectuellement ce soit confortable d’avoir des boucs émissaires mais
cela ne correspond pas à la réalité.
Pour aller plus loin je vous recommande la lecture de ce livre :
Flavien Neuvy