Moraliser le capitalisme ?
On a beaucoup entendu parler de "moralisation" du capitalisme ces derniers mois. Nicolas Sarkozy a lui même beaucoup associé le mot "morale" et "capitalisme". Alors la question qui se pose est de savoir si oui ou non cette association a du sens. Si oui ou non, la crise actuelle est liée à une absence de morale dans les affaires. Il se trouve que je m'étais posé cette question il y a quelques années et j'avais lu pour affiner ma réflexion, le livre du philosophe André Comte-Sponville publié pour la première fois en 2006 : "Le capitalisme est-il moral ?".
Je recommande la lecture de ce petit livre qui se lit facilement.
Je pense que vouloir moraliser le capitalisme n'a pas beaucoup de sens, et peut-être même aucun sens. En réalité vouloir associer morale et capitalisme est peut-être séduisant d'un point de vue intellectuel mais ne débouche sur rien d'un point de vue pratique. Pourquoi ? Parce que il y a là une confusion des ordres. On ne parle pas de la même chose. Pour bien me faire comprendre, je vais prendre d'autres exemples : peut-on imaginer que les sciences soient morales ? Non, cela n'a aucun sens. S'il y a une tempête, ce n'est pas immoral, c'est une catastrophe naturelle. De la même manière, un historien qui raconte la deuxième guerre mondiale et ses atrocités, ne fait rien d'immoral, il décrit des faits et la moralité n'a rien à voir avec le récit de l'histoire. Or quand on parle de capitalisme, de quoi parle-t-on ? On parle d'un système économique basé sur la propriété privée des moyens de production. En réalité, on parle de sciences économiques. Comme pour n'importe quelle autre science, la moralité n'a rien à voir dans tout cela.
Prenons un exemple, le plus simple possible : si votre boulanger vous vend votre bonne baguette de pain tous les jours à 0,80€, ce n'est pas parce que c'est quelqu'un qui d'un point de vue moral a intérêt à faire cet acte de commerce. Il fait cette baguette le mieux possible car c'est la meilleure assurance pour lui de vous voir revenir, et il en fixe le prix à 0,80€ car ce prix lui permet de gagner sa vie et lui permet d'être compétitif vis à vis de ses concurrents. Son acte de vente n'est ni moral, ni immoral, il est amoral.
De la même manière, si son affaire marche bien, il va embaucher une ou deux personnes pour faire face à la montée de son chiffre. Notre boulanger en question, en embauchant une ou deux personnes, ne le fait pas pour être exemplaire sur le plan moral, il le fait car il en a besoin. Là encore, son acte est amoral.
Le fait que le capitalisme soit amoral ne l'exempte pas de règles. Il ne fonctionne pas sans un certain nombre de règles (droit du travail, droit des affaires, règles internationales…) et le respect ou le non respect de ces règles n'a rien à voir avec la morale.
Bref, le capitalisme est amoral, vouloir le moraliser est une vision de l'esprit.
Flavien Neuvy
Le capitalisme est une ideologie ou un systeme economique. De ce fait, vouloir « moraliser le capitalisme », comme on l’entend en ce moment, reviendrait à poser le postulat que le systeme est, de facto, immoral: il s’agit d’une remise en cause profonde du mode de vie occidental. Certain tels Besancenot, n’esitent d’ailleurs pas à le faire.
Ce qui est visé ici, à l’epoque, plus que jamais des bons mots et des formules choc, c’est l’exercice du capitalisme et non le capitalisme en lui même. Car au sein de ce systeme, comme dans tous les sytemes (notemment communistes; l’histoire s’en fait le temoin), il y a des pratiques et des derives immorales. Ce sont ces pratiques qu’il faut reglementer pour moraliser l’exercice du capitalisme.