Crise grecque : entre mensonges et vrais problèmes
La contamination de la crise grecque à d'autres pays de la zone euro tant redoutée semble devenir une réalité depuis la semaine dernière. Les sommets se multiplient ce week-end pour apporter une réponse crédible à un problème aux conséquences difficilement quantifiables en cas de non résolution (voir les évènements en Grèce).
La semaine dernière les évènements se sont précipités : chute violente des marchés financiers (première remarque à ce sujet : le problème des dettes souveraines ne fait pas le bonheur des marchés financiers, bien au contraire), baisse de l'euro, monnaie perçue comme de moins en moins crédible (cette baisse de l'euro augmente notre facture pétrolière, les prix des produits importés et pèse sur le pouvoir d'achat des ménages mais elle permet d'améliorer la compétitivité de nos entreprises exportatrices). Bien sûr comme toujours en cas de problème il faut des boucs émissaires que les politiques pointent du doigt afin que les peuples puissent identifier des coupables. Les (très méchants) spéculateurs font figure de coupables parfaits : impossible de les identifier, ils ne viendront jamais se défendre devant une caméra de télévision et rien que leur nom les rend déjà méchants ! Bref du pain béni pour une classe politique européenne incapable de dire la vérité aux peuples concernés et comme tout cela est un peu compliqué à expliquer et à comprendre, c'est la porte ouverte à la démagogie absolue. Que s'est-il passé ? Il faut reprendre depuis le début. Lorsqu'un État a un budget en déficit il doit financer son déficit pour pouvoir honorer ses engagements financiers. Pour emprunter, il va sur les marchés financiers et il émet des obligations. Des investisseurs achètent ces obligations et en contrepartie ils obtiennent une rémunération (taux des emprunts d'État). Ce taux varie en fonction de la signature du pays qui émet ces obligations (c'est là qu'interviennent les agences de notation). Meilleure est la notation, moins le taux est élevé. Plus la note est dégradée, plus le taux est élevé. Comment sont attribuées les notes par les agences de notation ? Pour simplifier au maximum, je dirais que ces notes déterminent le niveau de risque de défaut de paiement qui lui même dépend de la gestion des finances publiques. Plus un État est endetté, plus son déficit est élevé plus le risque de faire défaut est élevé. Notons que les agences se sont trompées dans leurs évaluations de certains produits structurés (une des clés de la crise des subprimes). Revenons au cas grec : pendant des années les gouvernements ont menti sur l'état réel des finances publiques qui se trouvent dans une situation épouvantable. Des échéances arrivent pour ce pays : le 19 mai par exemple il doit rembourser une échéance de 9 milliards d'euros. Comme il n'y a pas un centime dans les caisses, la Grèce doit emprunter pour rembourser cette échéance. Le problème c'est que plus personne ne fait confiance à la Grèce (difficile de faire confiance à un menteur multirécidiviste) et les taux d'intérêts se sont envolés (12% pour le 10 ans…). Impossible dans ces conditions de faire face à l'échéance et le risque de défaut était très important. L'intervention de l'union européenne et du FMI évitera ce scénario. Mais dans ce cas précis, qui est responsable ? L'investisseur qui n'a plus confiance ou le menteur ?
La menace pèse également sur d'autres pays. Il faut dire que depuis l'arrivée de l'euro dont la réussite était, rappelons-le, conditionnée au respect du pacte de stabilité, les États ont vécu au dessus de leurs moyens. La crise n'a fait qu'accélérer le processus mais elle n'explique pas tout.
La France par exemple vote des budgets en déficit depuis 30 ans ( c'est en 1980 que nous avons eu le dernier budget excédentaire de l'État français). Depuis tous les gouvernements de droite et de gauche ont voté des budgets déficitaires). La situation est très sérieuse et sans mesures énergiques, l'issue ne fait guère de doute. Cette crise a le mérite de ramener à la réalité les apôtres de la dépense publique . Il faut diminuer les dépenses publiques et augmenter les recettes et vite.
Pour finir je note avec étonnement que le PS déclare s'inquiéter de la dette française. Pourquoi avec étonnement ? Pour une raison simple : l'année dernière, au moment de l'annonce du plan de relance de 26 milliards décidé par le chef de l'État, le parti socialiste avait dénoncé un plan qui "n'était pas à la hauteur des enjeux" et proposait un plan de relance de 50 milliards d'euros, Jean-Luc Mélenchon proposait un plan de 100 milliards d'euros. Ceux qui proposaient hier de dépenser beaucoup plus s'inquiètent aujourd'hui du niveau de la dette. Consternant.
Il était temps qu’une institution européenne se réveille, alors que la Réserve fédérale américaine, la Security Exchange Commission (SEC) et le département de la justice multiplient les enquêtes sur le rôle des établissements financiers américains et des hedge funds, à la fois dans la crise grecque et dans les attaques actuelles contre l’euro. Il est simplement dommage que le Parlement européen se contente d’une audition publique alors qu’une commission d’enquête dotée de pouvoirs d’investigation aurait été plus appropriée. De son côté, la Commission, poussée par la France et la Grande-Bretagne (mais oui) commence enfin à se poser quelques questions sur l’utilité des credit default swap (CDS) dès lors qu’il s’agit de s’assurer contre les risques d’un défaut d’un État, la réalisation d’un risque d’une telle ampleur (300 milliards d’euros dans le cas de la Grèce) rendant tout mécanisme assurantiel pour le moins douteux. La future proposition de directive sur les produits dérivés, qui devrait être présentée à l’été prochain, sera l’occasion d’encadrer, à tout le moins, cette pratique