Dette publique : la bombe à retardement dont tout le monde se moque.
La campagne électorale se termine et un constat s’impose : la dette publique n’intéresse personne. Ni les candidats, ni les électeurs. Si les premiers ne s’en préoccupent pas c’est que les seconds se contrefichent de ce sujet. Le pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations des Français et la guerre en Ukraine a éclipsé tous les autres sujets. Mais cela n’explique pas pourquoi un élément aussi important pour l’avenir de notre pays passe sous les radars.
Parlons des chiffres pour commencer.
La dette au sens de Maastricht a augmenté de 164,9 Md€ en 2021 et pour s’établir à 2813 milliards d’euros soit 112,9 % du PIB. Le déficit public pour 2021 s’est élevé à 160,9 Md€, soit 6,5 % du produit intérieur brut (PIB) malgré une croissance forte qui a dopé les recettes publiques (+8,4%)… Le déficit est stratosphérique, la dette dérape.
Est-ce inquiétant ? Oui.
La dérive est continue depuis 40 ans. En France, entre 1978 et 2020, les dépenses publiques sont toujours restées supérieures aux recettes, le déficit public moyen étant de 3,4 % du PIB, soit un niveau trop élevé pour stabiliser la dette. Au cours de cette période, la dette publique française au sens de Maastricht est donc passée de 21,2 % du PIB à plus de 110% et a atteint son plus haut depuis 70 ans. Si la dette a fortement progressé, les intérêts payés ont de leur côté baissé depuis 20 ans sous l’effet de la baisse des taux. L’OAT 10 ans est même resté pendant de nombreux trimestres en territoire négatif.
Le problème c’est que les taux d’intérêts ne resteront éternellement bas et ils sont même déjà en train de remonter. En 2021, la charge de la dette a augmenté de 5 milliards. La hausse des taux se traduit par une augmentation de la charge d’intérêts des obligations indexées sur l’inflation mais aussi par une hausse des nouveaux emprunts levés pour refinancer notre dette. Pour avoir une idée du risque financier, il faut savoir qu’une augmentation d’un point de taux d’intérêt conduirait à une hausse de 2,5 milliards d’euros la première année de la charge de la dette, et de 28,9 milliards d’euros à horizon de dix ans. C’est potentiellement explosif.
Pourquoi tout le monde s’en fiche ?
Du côté des candidats à l’élection présidentielle, rien de surprenant. On ne se fait pas élire en promettant du sang et des larmes. Nous assistons au contraire à une succession de propositions qui entraîneraient des dépenses nouvelles et élevées. Ceci est vrai pour tous les candidats. Je passe sur l’évaluation risible de Mélenchon qui annonce que son programme coûtera 250 milliards de dépenses en plus pour 267 milliards de recettes…A noter la proposition de Valérie Pécresse de supprimer 150 000 postes de fonctionnaires sur 5 ans. Je ne rentre pas dans le détail mais cette proposition n’est pas réaliste. Du côté de Macron, la proposition principale pour réduire les dépenses consiste à faire passer l’âge de départ à la retraite à 65 ans. Ceci permettrait d’économiser plus de 7 milliards en 2027 et 18 milliards par an à partir de 2032. C’est une mesure nécessaire mais non suffisante. Il a annoncé que pour financer son programme (peu avare en dépenses nouvelles), il faudrait travailler plus (ce qui inclut sa réforme des retraites). C’est court, très court. Bref, beaucoup de dépenses chez tous les candidats et pas beaucoup d’inquiétude pour nos finances publiques.
Du côté des citoyens, le sujet n’inquiète plus personne. C’est logique, le « quoi qu’il en coûte est passé par là ». Pendant des années, le message était le suivant : surtout ne pas dépasser les 3% de déficit ni les 100% de dette/PIB. Nous avons explosé les deux indicateurs et il ne s’est rien passé…du moins pour le moment. La BCE s’est lancé depuis 2015 dans un programme de rachats d’actifs qui a fait plonger les taux souverains en Europe. Ceci explique cela. Mais pour le citoyen, le discours alarmiste sur la dette publique n’est tout simplement plus crédible. Personne n’y croit.
J’ajoute un point important : parler de dette sans évoquer les actifs qui vont avec n’a pas de sens. Aujourd’hui les actifs publics équivalent à la dette publique.
Mais la situation se dégrade rapidement sur ce point également avec une valeur nette patrimoniale qui se détériore depuis plusieurs années et qui est à zéro aujourd’hui.
Personne ne s’inquiète de la dérive des finances publiques. Personne n’a envie d’en parler, personne n’a envie d’en entendre parler. Nous fonçons dans le mur de la dette avec une constance et une détermination étonnantes. Les problèmes surgissent souvent quand on s’y attend le moins. Ce moment approche pour nos comptes publics.