Retour sur les élections sénatoriales.

Les élections sénatoriales se sont déroulées le 24 septembre dernier et concernaient 170 sièges sur 348. Le département du Puy-de-Dôme était concerné et j’étais candidat. Je trouve utile d’écrire ces quelques lignes afin de partager l’analyse que je fais des résultats mais aussi afin de préciser un certain nombre de choses. Pour tout vous dire, je n’avais pas prévu de le faire avant la lecture de l’article dans La Montagne (13/10/2023) consacré aux sénateurs élus. Jean-Marc Boyer (LR) m’a pris pour cible une nouvelle fois. La goutte d’eau qui fait déborder le vase en quelque sorte. Oui parce-que je suis plutôt gentil et bienveillant mais ma patience a des limites. Surtout face aux mensonges et à certaines méthodes douteuses que certains d’entre vous pourraient même juger indignes à la lecture de ce que je vais vous expliquer.

La campagne.

J’ai pris beaucoup de plaisir durant cette campagne. J’ai rencontré beaucoup de maires, beaucoup de grands électeurs. Je n’ai rencontré que des gens dévoués, pleinement investis au service de leur commune et de leurs concitoyens. J’ai eu des échanges passionnants avec beaucoup d’entre eux et, contrairement à ce que beaucoup pensent, nous n’avons pas trop d’élus locaux ni trop de communes. Je rappelle qu’il y a plus de 500 000 élus locaux en France. Les 3/4 sont bénévoles. Les maires et les adjoints des petites communes touchent de faibles indemnités alors qu’ils passent un temps fou au service des autres. Ce tissu d’élus est une chance pour la France. Un autre motif de satisfaction : j’ai parcouru le département en long, en large et en travers. Je pensais bien le connaître. Et pourtant…J’ai découvert des endroits magnifiques que je ne connaissais pas encore. Le Puy-de-Dôme offre des paysages exceptionnels avec une nature formidablement bien préservée.

Les résultats.

Canalès (PS PCF EELV) : 604 Voix 33,8% élue

Gold (PRG) : 433 voix 24,23% élu

Boyer (LR) : 431 voix 24,12% élu

Neuvy (UDI) : 159 voix 8,9%

Sabatier (DVD) : 54 voix 3,02%

Clément (RN) : 53 voix 2,97%

Coskun (LFI) : 53 voix 2,97%

1834 grands électeurs, 23 abstentions et 11 votes blancs.

Commençons par le PS qui passe sans surprise un siège. Sans surprise car l’union du PS avec le PCF et EELV ne laissait planer aucun doute sur le fait que Marion Canalès serait élue. Le tour de force du PS est d’avoir réussi à faire croire au PCF qu’il avait plus de chance de passer un sénateur en étant numéro 2 sur la liste de Marion Canalès qu’en ayant une liste autonome. C’était strictement impossible mais je pense que le PCF y a cru et il n’est pas le seul. J’y reviendrai. Une chose est sûre : le PCF a donné un sacré coup de main au PS car il a fait campagne à fond et on peut estimer qu’il a apporté à la liste environ 250 voix (en 2017 le PCF seul avait fait 271 voix). Sans ces voix, Canalès aurait fait 350 voix environ. Elle aurait été élue également. Toujours par rapport à 2017, le bloc de PS -PCF – EELV recule nettement. Il passe de 43,93% des suffrages exprimés à moins de 34%.

Poursuivons avec Eric Gold. Très bon résultat pour le sénateur sortant qui progresse nettement par rapport à 2017. Il a incontestablement été bon pendant la campagne. On pourrait même dire qu’il a été malin. Il termine deuxième. Il a réussi à avoir les voix des grands électeurs macronistes (alors qu’il n’avait pas rejoint le groupe LREM au Sénat en 2017 après avoir été élu avec le soutien de la majorité présentielle) tout en récupérant des voix à gauche auprès de grands électeurs à qui il expliquait qu’il était vraiment de gauche puisqu’il a voté contre la réforme des retraites…Du grand art. Bien joué. Notons qu’Eric Gold et ses amis ont utilisé le PCF comme épouvantail. Le message était clair : Gold risque de ne pas être élu et si c’est le cas, ce sera un sénateur communiste qui passera (le deuxième de la liste de Canalès). Cela a très bien fonctionné. Un maire m’a confié après l’élection qu’il avait voté pour Gold (plutôt que pour moi) car il était « très inquiet » à l’idée que les communistes aient un sénateur de plus. Puissant levier du vote utile.

Passons à Boyer. Il est réélu. Son score est en repli par rapport à 2017 malgré le soutien du président de région et du président du département. Il passe de 25,81% à 24,12%. Un repli rare pour un sortant. Par ailleurs il passe de la première place en 2017 à la troisième cette année.

Me concernant. Mon score progresse de 64 voix par rapport à 2017. J’espérais faire entre 12 et 15% des voix. C’est donc inférieur à ce que j’anticipais. L’appel au vote utile m’a clairement fait perdre des voix. Par ailleurs Boyer a mené une campagne active contre moi. J’y reviendrai.

Les 3 autres listes font un score quasi identique avec un peu plus de 50 voix. Sabatier a fait un score correct pour une première candidature et il faut noter la très forte progression du RN qui multiplie par 3 son score par rapport à 2017.

Le vote utile.

Pour comprendre la puissance de l’appel au vote utile, il suffit de se replonger quelques instants dans la campagne présidentielle de 2022. En quelques semaines, Pécresse est passée de 10 à 12% des intentions de vote à moins de 5%. Plus le scrutin se rapprochait, plus elle chutait. Les électeurs qui envisageaient de voter pour elle, ont finalement décidé de voter utile au dernier moment en votant Macron pour éviter un deuxième tour Le Pen / Mélenchon. Un véritable toboggan électoral. Redoutable argument électoral utilisé par Gold mais aussi par Boyer : les communistes vont passer un sénateur ! C’était impossible et ceux qui ont utilisé cet argument le savaient très bien. Pour passer 2 sénateurs il fallait que la liste de M Canalès fasse plus de 800 voix. Or il était évident que ce bloc de gauche allait reculer par rapport à 2017 (750 voix). Pour deux raisons. D’abord parce-que les résultats de élections municipales et départementales de 2020 et 2021 ne lui ont pas été favorables (bascule du département et de certaines villes importantes comme Aubière). Ensuite parce qu’en matière électorale, 1+1 ne fait jamais 2. Jamais. Par ailleurs, imaginons qu’un sénateur communiste ait été élu. Le groupe PCF au Sénat est constitué de 18 sénateurs. Avec 1 de plus dans le Puy-de-Dôme, ce groupe serait passé à 19. Et donc ? La République aurait été en danger ? Tout cela n’a pas de sens. Un point important : l’utilisation de cet argument électoral même fallacieux ne me pose pas de problème. Il a très bien fonctionné et c’est logique qu’il ait été utilisé par E Gold et JM Boyer. J’ai envie de dire bien joué !

La « main tendue ».

JM Boyer explique dans ce même article du 13 octobre qu’il m’a « tendu la main ». C’est exact. Un élan de générosité bouleversant. Alors précisons en quoi consistait cette fameuse « main tendue ». J’ai rencontré Boyer il y a un peu plus de 6 mois à Paris pour évoquer les élections sénatoriales. Il a alors émis l’idée de faire liste commune. Quelle fut sa proposition ? Il m’a proposé d’être remplaçant et dernier de sa liste. Amusant n’est-ce pas ? Je l’ai chaleureusement remercié pour cette proposition vraiment difficile à refuser.. Évidemment je lui ai répondu que cela ne m’intéressait pas et que l’UDI m’avait investi pour être candidat dans le Puy-de-Dôme. Je lui ai ensuite précisé deux choses. D’abord que sa réélection ne faisait aucun doute et que c’était très bien ainsi. Ensuite je lui ai dit que je ne ferai pas campagne contre lui (ni aucun autre candidat d’ailleurs) et que je souhaitais que la campagne soit apaisée. Ce ne fut pas le cas même si de mon côté j’ai respecté mon engagement.

Tout a été fait pour m’empêcher d’être candidat.

Ma candidature à cette élection était logique et légitime. Logique car mon engagement politique est porté depuis toujours par de fortes convictions décentralisatrices et un attachement particulier aux communes. Je considère qu’elles sont en grand danger et que le rôle premier du Sénat est non seulement de les représenter mais aussi et surtout de les défendre. Légitime car je suis à l’UDI depuis la création de ce parti par Jean-Louis Borloo et Simone Veil en 2012. Je ne suis pas chez LR et l’UDI peut présenter des candidats à chaque élection si elle le souhaite. Ce n’est pas LR qui décide qui, dans les autres partis, a le droit de se présenter ou non. Est-ce bien clair ? C’est fou de devoir préciser ce genre de choses quand on est dans une démocratie. Il peut y voir des alliances électorales si l’UDI et LR y trouvent leur compte et si les deux partis sont d’accord. Ce n’était pas le cas pour cette élection.

Légitime également car ma candidature était soutenue par le groupe Union centriste du Sénat. D’ailleurs, dans la grande majorité des départements renouvelables, il y avait des listes UC et des listes LR séparées sans que cela ne pose le moindre problème. Ce fut le cas par exemple dans le 92 : Hervé Marseille (UC) vs la liste LR de Karoutchi. Pareil dans le 91 : liste Delahaye (UC) vs liste Darcos (LR), dans le 94 : liste de Laurent Lafon (UC) vs Liste Cambon (LR), dans l’Orne Goulet (UC) vs Segouin (LR) ou dans le Morbihan : liste Jourda (LR) vs liste centriste de Bleunven. Je vous épargne les autres départements car la liste est longue.

Il y a eu à la marge des listes communes comme dans le 62 ou en Loire-Atlantique. Mais ce ne sont que des exceptions qui confirment la règle. A noter qu’à Paris il y a eu 4 listes LR. Dans tous les départements où nous avons eu des listes séparées, il n’y a eu aucun problème, les choses se sont faites intelligemment. Il n’y a que dans le Puy-de-Dôme où LR a tout fait pour n’empêcher d’être candidat avec des méthodes dont je vous laisse juge.


Première étape : tenter de débrancher à tout prix le soutien du groupe Union centriste dont je bénéficiais. La majorité de Gérard Larcher repose sur deux groupes. Le groupe LR (1er groupe au Sénat) et le groupe Union centriste présidé par Hervé Marseille (3ème groupe en nombre de sénateurs). Sans le soutien des 56 sénateurs centristes, pas de majorité pour Larcher. Boyer a tenté à plusieurs reprises de me faire enlever le soutien du groupe UC. Retailleau lui-même est monté au créneau auprès d’Hervé Marseille…Je dois avoir une sacré importance pour mobiliser jusqu’au président du groupe LR…C’est tellement risible. Cela n’a évidemment pas fonctionné et j’ai pu compter sur le total soutien et sur l’amitié d’Hervé Marseille. Vous pouvez lire l’article publié dans La Montagne le dimanche qui a précédé l’élection.

Jean-Marc Boyer n’a donc pas réussi à débrancher le soutien national dont je bénéficiais. Il fallait donc agir autrement. Une technique aussi banale que consternante fut donc appliquée à la lettre : tenter de dissuader mes colistiers d’être candidats à mes côtés.

3 étapes dans ce processus de déstabilisation :

  • On tente l’affectif : « comment tu peux nous faire cela ? » « Après tout ce que l’on a fait pour toi? » etc…
  • Ensuite on propose un poste contre le retrait de la candidature. Oui oui, vous avez bien lu : on a proposé un poste à un(e) de mes colistier(e) à condition que cette personne renonce à être candidat(e) sur ma liste.
  • Enfin, vient le temps de la menace : « attention, cela va laisser des traces » (propos repris par Boyer dans La Montagne datée du 13 octobre). Puis les menaces ont été plus explicites : « attention, n’oublie pas que tu peux perdre ton poste de vice-président(e) »…

Vous l’avez compris, tout a été tenté pour m’empêcher d’avoir le soutien du groupe UC, pour m’empêcher de faire ma liste,bref, pour m’empêcher d’être candidat. De bien belles méthodes qui sont à l’honneur de leurs auteurs qui se reconnaîtront.

Les mensonges.

Que serait une campagne électorale sans les mensonges ? Bon, là on a atteint des sommets.

« La liste d’union de la droite et du centre ». Voilà comment Boyer a présenté sa liste. Faux. Tout simplement faux. C’était la liste de la droite et de la droite. Ce n’est pas un reproche. Il faut simplement assumer d’être de droite. C’est la droite républicaine et c’est normal qu’elle soit présente à toutes les élections. Pourquoi dès lors ne pas assumer cette position et s’inventer des soutiens centristes ? Aucun centriste sur la liste et surtout, cette liste n’a eu le soutien d’aucun parti centriste.

« La liste d’union soutenue par la majorité sénatoriale ». Nouveau mensonge. Pour pouvoir revendiquer le soutien de la « majorité sénatoriale », il fallait être soutenu par les deux composantes de la majorité à savoir le groupe LR ET le groupe UC. Or Boyer n’avait le soutien que de LR. Donc affirmer que c’était la liste de la majorité sénatoriale était mensonger. Ce point a été clairement confirmé par Hervé Marseille dans La Montagne (cf l’article ci-dessus).

« A cause de Neuvy, on ne pourra pas passer deux sénateurs de droite ». Nouveau mensonge grossier. Additionnons les voix de Boyer et les miennes : 590. Aucune chance de passer 2 sénateurs d’autant plus que, comme je l’ai indiqué précédemment, 1+1 ne font pas 2 en matière électorale. Pour être plus clair, parmi les 159 personnes qui ont voté pour moi, nombreux sont ceux qui ne l’auraient pas fait si j’avais été sur la liste de Boyer.

« A cause de Neuvy, les communistes vont passer un sénateur ». Je ne reviens pas dessus. J’ai déjà évoqué cet argument non crédible qui a pourtant très bien marché.

La droite appelle à voter Gold.

Toujours dans l’article de la Montagne du 13 octobre, Boyer explique qu’il ne s’est « jamais trompé d’adversaire : c’est la gauche ». Décidément, il est pourvu d’un humour que je ne lui connaissais pas. Plus c’est gros plus ça passe. La réalité est tout autre : de multiples appels ont été passés par des personnes qui faisaient campagne pour Boyer afin de convaincre ceux qui envisageaient de voter pour moi de ne surtout pas le faire. Il leur a été demandé de voter pour Gold s’ils ne voulaient pas voter pour Boyer. Gold qui, je le rappelle, a pris un positionnement de centre gauche. La droite qui appelle à voter à gauche contre le centre droit. C’est vieux comme un second tour d’une élection présidentielle. Oui, souvenez-vous : en 1981, le RPR a appelé à voter Mitterrand contre Giscard d’Estaing. C’est d’une banale médiocrité.

On peut faire de la politique avec dignité, sans mentir en permanence avec un minimum d’honnêteté intellectuelle. C’est comme cela que je conçois l’engagement politique. Mais en politique comme ailleurs, il y a des gens bien (l’écrasante majorité des élus) et puis il y a les autres.

J’ajoute que j’ai de nombreux amis chez LR. Ils sont consternés par ces faits. Je ne mélange pas tout et je ne mets pas tout le monde dans le même sac.

Ah j’oubliais…Lors de notre rencontre avec JM Boyer à Paris je lui ai dit qu’un autre point faisait obstacle à toute liste commune entre lui et moi. En décembre 2021, le Sénat a adopté la proposition de loi interdisant les thérapies de conversion. Mais de quoi parle-t-on quand on évoque les thérapies de conversion? L’expression « thérapie de conversion », née aux États‑Unis dans les années 1950, renvoie à un ensemble de pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Ces « thérapies » se basent sur le postulat que l’homosexualité et la transidentité sont des maladies qu’il conviendrait de guérir. Cette loi qui interdit les thérapies de conversion a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale mais seulement à la majorité au Sénat car 28 sénateurs ont voté contre. Boyer fait partie de ces 28 sénateurs (cliquez sur le lien pour lire un article de presse sur le sujet). Quand je lui ai dit que pour moi ce vote était une ignominie il m’a fait une réponse que je ne répéterai pas ici par esprit de bienveillance.

Non, décidément, Jean-Marc Boyer et moi ne partageons pas exactement les mêmes valeurs ni la même façon de faire de la politique.