Frégates vendues à Taïwan : scandales à répétition

Un petit retour en arrière s'impose pour bien comprendre ce scandale à répétition que constitue la vente de frégates à Taïwan. 1991, un contrat d'armement est signé entre l'industrie militaire française (dont Thomson CSF) et Taïwan concernant la vente de 6 frégates pour un montant de 16 milliards de francs (2,43 milliards d'euros). Comme toujours pour de tels contrats, l'implication du pouvoir politique est décisive d'autant que ce dossier est sensible car Pékin ne veut pas entendre parler d'un tel contrat. Comme toujours pour de tels contrats, le versement de commissions est prévu. Le montant de ces commissions se serait élevé à 520 millions de dollars.

Premier scandale : une partie de ces commissions ont été reversées à des personnalités politiques françaises. Roland Dumas l'a clairement confirmé. Lire ici.

Deuxième scandale : cette ténébreuse affaire a fait couler le sang. Yin Ching-feng d'abord : un officier chargé du dossier est assassiné et son corps jeté en mer au moment où il s’apprêtait à faire des révélations. Le 10 octobre 2000, Thierry Imbot, un agent de la (DGSE) qui suivait à Taïwan les dossiers économiques français, meurt d’une chute du quatrième étage de son appartement parisien. L'enquête a conclu à une mort accidentelle…Le troisième mort est un ancien ingénieur de Thomson affecté à Taïwan, Jacques Morisson, décédé le 18 mai 2001 par défenestration. L’enquête a conclu à un suicide…Un autre ancien ingénieur commercial de Thomson-CSF affecté à Taiwan, Louis-Fabrice Lavielle et retrouvé suicidé en 1999 longtemps après avoir démissionné de Thomson. A noter également la mort étrange d'un ancien correspondant de la Société générale, James Kuo qui se serait défenestré. Lire ici

Troisième scandale : par trois fois, des ministres de l'économie en exercice ont refusé de lever le secret défense (Laurent Fabius, ministre du gouvernement Jospin, en décembre 2001, Francis Mer, ministre du gouvernement Raffarin, en juin 2002, Thierry Breton, ministre du gouvernement Villepin, en octobre 2006). Ces refus successifs avaient clairement pour objectif d'empêcher à la justice française de faire son travail. Mais pour protéger qui ? Le fait que des gouvernements de droite et de gauche aient eu la même attitude peut laisser penser que les rétrocommissions ont été largement redistribuées…

Dernier scandale en date : l'Etat français et Thales vont devoir payer une amende de 630 millions d'euros pour corruption dans l'affaire des frégates de Taïwan. Et devinez quoi ? Ce sont les contribuables français qui paieront les 2/3 de cette amende soit 460 millions d'euros. Thales paiera le tiers restant, soit 170 millions d'euros, proportionnellement aux parts de Thales et de l'Etat dans le contrat ( 73% et 27%).

Les bénéficiaires de la corruption sont restés inconnus en raison du secret-défense opposé à la justice pénale française et c'est le contribuable français qui va régler l'addition. Quand on pense que les politiques passent leur temps à donner des leçons de morale à tout le monde et en particulier aux chefs d'entreprises.

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