Droit de vote des étrangers : pourquoi je suis contre.

Au cours de sa traditionnelle interview du 14 juillet 2014 le président Hollande a remis sur la table (un peu par surprise) la proposition 50 de sa campagne électorale : accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales. Il vient de nouveau d'évoquer le sujet avec une partie du PS qui le pousse à prendre des initiatives dans ce sens. Rien de neuf en réalité puisqu'en 1981 François Mitterrand avait fait exactement la même promesse, c'était sa proposition 80.

Avant de revenir sur les raisons qui ont pu pousser François Hollande à évoquer ce sujet à mi-mandat, je souhaite expliquer brièvement pourquoi je suis contre cette proposition.

Un scrutin local a un impact national

Les défenseurs de cette idée proposent d'accorder le droit de vote aux seules élections municipales, François Hollande a d'ailleurs pris soin de le préciser lors de son interview. Première question : pourquoi ceux qui sont favorables au droit de vote des étrangers veulent le limiter aux seules élections locales ? Il y aurait donc une République à plusieurs vitesses ? Si parmi les lecteurs de ce texte il y en a qui peuvent m'expliquer ce point, je suis preneur d'une discussion.

Par ailleurs, il faut noter que ce sont les élus locaux qui élisent les sénateurs. Donc, concernant les municipales, on ne peut pas évoquer un scrutin strictement local sans impact national.

Le peuple souverain est le peuple français

Ensuite, le principal argument avancé par ces mêmes personnes est d'expliquer qu'à partir du moment où les étrangers paient leurs impôts locaux, ils devraient avoir le droit de désigner leurs élus locaux. Ah bon ? Payer des impôts=droit de vote ? C'est absurde et d'ailleurs, si ce raisonnement était logique, il vaudrait également pour les élections nationales puisque les étrangers paient également de la TVA, l'impôt sur le revenu…

Pour mémoire, notre république fonctionne sur le principe simple du peuple souverain. C'est le peuple français qui désigne par le vote ses représentants. Accorder le droit de vote aux étrangers c'est abandonner une partie de cette souveraineté. Ce n'est pas possible.

Du principe de réciprocité

Alors on pourrait objecter que les Européens membres de l'UE peuvent d'ores et déjà voter et se présenter aux élections municipales. Alors pourquoi pas les autres ? Deux réponses : d'abord nous avons un espace commun et des règles communes avec les pays des étrangers concernés par ce droit de vote.

Ensuite et surtout, il y a un principe de réciprocité. Si un Portugais habitant en France peut voter pour les élections municipales (et européennes), l'inverse est également vrai : un Français peut voter aux mêmes élections au Portugal. Si demain nous donnons la possibilité aux Chinois ou aux Tunisiens de voter en France, croyez-vous que les Français habitant en Chine ou en Tunisie feront de même ? Non, bien sûr. Il n'y a donc aucune raison de voter une telle loi.

Cette loi n'a aucune chance de passer

Je suis donc défavorable au droit de vote pour les étrangers. Ayant habité longtemps à l'étranger avec mes parents, il ne nous est pas venu à l'esprit une seconde de nous mêler de la politique menée par les gouvernements des pays dans lesquels nous habitions. Cela ne nous regardait pas et il était bien naturel de ne pas nous occuper des affaires intérieures de ces pays même si mes parents payaient leurs impôts sur place.

Il reste cependant une question : pourquoi François Hollande veut porter ce sujet si clivant dans le débat public en 2016 ? Voici l'explication avancée par le président : "Pourquoi 2016 ? Parce-que je veux que ce soit le fruit d'un consensus.

Cette explication ne tient pas la route car pour pouvoir être votées, de telles réformes supposent que l'Assemblée et le Sénat adoptent un projet de loi constitutionnel, et que le texte obtienne ensuite la majorité des trois cinquièmes au Congrès réuni à Versailles. Or cette majorité des 3/5 n'existe pas aujourd'hui et en 2016 ce sera pire puisqu'il y a de fortes chances que le Sénat passe à droite en septembre prochain.

Cette loi n'a donc absolument aucune chance de passer. Mais en tentant de la faire voter quand même Hollande enverrait un signal à la gauche et surtout il ferait les affaires de Marine Le Pen qui se frotte déjà les mains d'un tel débat un an avant l'échéance présidentielle. Et si c'était l'objectif de François Hollande ? Au fond, compte tenu de son impopularité record et des faibles perspectives de croissance (et donc de baisse du chômage) d'ici 2017, sa seule chance de remporter l'élection de 2017 serait de se retrouver au deuxième tour face à Marine Le Pen. Faire monter le FN en ressoudant une partie de la gauche sur un débat de société est idéal pour lui.

Si tel est le calcul, c'est un jeu très dangereux car c'est un débat sensible qu'il est difficile d'aborder sereinement.