Parrainages, un système à bout de souffle ? Bonne question, mauvaises réponses.

Au moment où j’écris ces quelques lignes, seuls 7 candidats ont réuni les 500 parrainages nécessaires pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle. Or le temps presse. La date butoir est fixée au 4 mars. De nombreux candidats importants (en intentions de vote) déclarent être en difficulté et tout porte à croire que c’est vrai. Le Pen, Mélenchon et Zemmour sont dans ce cas. Dès lors se pose la légitime question de savoir si ce système basé sur des parrainages accordés par des élus (locaux et nationaux) n’est pas à bout de souffle et si une réforme ne s’impose pas. En effet, une élection à laquelle ne pourrait pas participer un des trois candidats cités précédemment poserait clairement un problème démocratique. Je partage cette analyse même si une côte de popularité ou des intentions de vote à un instant T sont par essence volatiles. Mon argumentation va se structurer en 3 étapes :

1 / Les raisons du problème.

2/ Les solutions le plus souvent proposées.

3/ La seule bonne solution.

1 / Les raisons du problème.

Rappelons que plus de 40 0000 élus ont le pouvoir de parrainer un candidat. Devenir le parrain d’une personne ou de quelque chose c’est lui apporter son soutien. Les mots ont un sens. En 2012, environ 36% des élus habilités ont effectivement parrainé une candidate ou un candidat contre environ 34% en 2017. On peut penser que cette année ils seront encore moins nombreux. La raison principale de ce renoncement réside dans la dépolitisation accélérée des élus locaux. La fin du cumul des mandats maire/parlementaire a accéléré ce processus. Pour s’en convaincre, il suffisait d’observer les listes lors des dernières élections municipales : en dehors des très grandes villes, toutes ou presque étaient sans étiquette politique et sans aucun parti sur les documents de campagne. Bien souvent, dans ces listes des candidats de sensibilité différente se sont rassemblés autour d’une tête de liste. Du coup, si maire parraine un candidat il peut générer des crispations au sein de se majorité. Il va devoir également se justifier auprès de la population qui, pour une partie d’entre elle, aura voté pour lui mais qui ne se reconnaît pas dans le candidat parrainé. Bref, que des ennuis pour le maire concerné pour une contrepartie inexistante. Un point sur une raison souvent évoquée mais complètement fausse : le chantage à la subvention de la part des intercommunalités. En gros, si tu parraines ce candidat tu ne pourras pas compter sur telle ou telle subvention. Cela n’existe pas, c’est absurde.

Une autre problème existe et n’est évoqué par personne : le nombre de candidats. Prenons l’exemple de Mélenchon. Il a des difficultés pour obtenir ses signatures alors qu’il les avaient obtenues en 2012 et 2017. Quelle différence avec 2022 ? Fabien Roussel. Et oui, le candidat communiste a ses signatures et nombre de ses soutiens avaient parrainé Mélenchon lors des précédentes élections. Le problème est le même pour le duo Le Pen – Zemmour. Sans Zemmour et sans Roussel, Le Pen et Mélenchon auraient leurs signatures depuis longtemps. Logique que ce soit plus compliqué pour deux candidats que pour un seul.

2/ Les solutions le plus souvent proposées.

On entend tout et n’importe quoi pour résoudre ce problème. Première idée : s’appuyer sur des sondages d’intentions de vote. Oui car souvent, des éditorialistes expliquent que des candidats qui ont des intentions de vote supérieures à 10% (pourquoi 10% et pas 5%, ou 15% ou 2% ?) doivent pouvoir se présenter. C’est absurde. Vouloir déterminer qui a le droit d’être candidat à l’élection présidentielle sur la base de sondages n’existe nulle part dans le monde. Si on veut aller plus loin on pourrait aussi imaginer désigner le président de la République sur la base de sondages. On éviterait ainsi l’organisation des bureaux de vote et on lutterait efficacement contre l’abstention…

Une autre idée plus intéressante est évoquée : des parrainages citoyens. Ce système pourrait venir compléter le système actuel. Pour que ce dispositif soit crédible, un candidat devrait réunir plusieurs centaines de milliers de parrainages citoyens pour pouvoir se présenter. Mais dès lors, plusieurs questions organisationnelles se posent. Qui récolte ces parrainages ? Comment éviter les fraudes ? On l’a vu lors de la primaire populaire : les fraudes sont très difficiles à éviter. De plus, chaque candidat voudra avoir un maximum de parrainages citoyens pour donner de la force à sa candidature. Cela compliquerait encore la collecte des signatures citoyennes. Je reste dubitatif sur cette formule.

3/ La seule bonne solution.

Vous l’avez compris, apporter un parrainage à un candidat n’est pas un acte anodin. Cela est perçu comme un soutien à un candidat. Pour être encore plus clair, si je devais apporter mon parrainage à V Pécresse, on considérerait que je vote Pécresse. Pareil si je le faisais pour E Macron. Et je ne parle même pas de l’idée d’apporter ma signature pour Mélenchon, Zemmour ou Le Pen. Je serai suspecté d’avoir quelques sympathies pour le candidat choisi. Depuis 2017, tous les parrainages sont rendus publics et c’est LE problème. A partir du moment où parrainer un candidat est considéré comme un vote en faveur de celui-ci, le parrainage doit rester anonyme comme le vote dans l’isoloir. Si un maire veut dire qui il parraine, libre à lui mais garantir l’anonymat des parrainages résoudrait tous les problèmes. On augmenterait considérablement le nombre de maires qui parrainent un candidat et il n’y aurait plus de « grand » candidat en difficulté.