Limiter les salaires par la loi ? Stupide, mais…

C’est la rémunération de Carlos Ghosn, le PDG de Renault  (7,2 millions d’euros au titre de 2015) qui a relancé le débat autour des salaires des patrons. Le point important de cette polémique réside dans le fait que le conseil d’administration de Renault a décidé de ne pas tenir compte du vote des actionnaires qui avaient majoritairement refusé de voter une telle rémunération.

Aussitôt, une partie de la gauche a crié au scandale et 40 personnalités ont lancé dans Libération un appel pour que le salaire des partons soit plafonné à 100 fois le Smic. Cependant, les signataires s’empressent de préciser qu’un tel plafonnement ne serait « qu’un début » et qu’il faudrait aller plus loin, c’est à dire baisser encore la salaire maximum. Cette idée de salaire maximum est une vieille lune stupide de la gauche française.

Plusieurs remarques :

  • je constate que les signataires de cet appel ne parlent que des salaires des dirigeants des grandes entreprises mais jamais de celles des artistes ni de celles des sportifs. Pour quelles raisons ? Le salaire de Carlos Ghosn (7 millions d’euros pour diriger une entreprise de plusieurs dizaines de milliers de salariés) serait moins légitime que les millions d’euros gagnés par des acteurs de cinéma (largement subventionné par de l’argent public) ou les millions gagnés par les footballeurs professionnels ? On le voit bien, pour ces unijambistes de l’indignation, ces prises de position sur les salaires des patrons relèvent de la posture politicienne.
  • Plafonner les salaires à 100 fois le Smic aurait des conséquences dramatiques pour notre économie. Je rappelle qu’un grand nombre de grandes entreprises ont délocalisé leur siège social et/ou fiscal pour quitter la France au cours de ces dernières années : Airbus, l’alliance Renault-Nissan ou encore Gemalto aux Pays-Bas,  Arcelor (délocalisé par Mittal) au Luxembourg, Alcatel en Finlande (rachetée par Nokia), Lafarge-Holcim en Suisse et Technip tout récemment à Londres. C’est un phénomène très grave car tout ou partie des centres de décision ne sont plus en France. Ce phénomène inquiétant est confirmé par le baromètre Ernst & Young de l’attractivité publié aujourd’hui et qui montre que la France a attiré moins d’investissements étrangers en 2015 qu’en 2014. Nul doute que le plafonnement éventuel des salaires viendrait porter un coup fatal à l’attractivité de notre pays dont la fiscalité et la complexité de notre code du travail sont déjà des repoussoirs pour les investisseurs étrangers. Mais, plus grave, au-delà des sièges sociaux, une telle mesure pourrait menacer également les centres de R&D. Ce serait un suicide économique.
  • Une telle mesure, qu’aucun pays n’a mis en place (je ne sais pas si la Corée du Nord a adopté une telle réglementation, il faudrait vérifier…), ne changerait rien à la situation des plus défavorisés dans notre pays. Dans une société libre, personne ne peut dire à priori combien chacun doit gagner (et surtout pas l’Etat). Laisser l’Etat réglementer les rémunérations serait un pas de plus vers ce que Hayek avait appelé « La Route de la servitude ».

Pour autant, il y a un problème. Ce problème concerne la non prise en compte du choix des actionnaires par le conseil d’administration de Renault. En effet, pour moi, les propriétaires de l’entreprise (donc les actionnaires) sont les seuls à avoir la légitimité pour s’opposer à la rémunération du PDG de leur entreprise s’ils la jugent trop élevée. En faisant cela, ils prennent le risque de voir un PDG performant partir mais c’est à eux d’assumer leur choix. Donc oui, il faut légiférer pour rendre les décisions prises en AG exécutoires. C’est ce qu’a proposé François Hollande, il a raison. Emmanuel Macron pense de même.