La proportionnelle intégrale est une très mauvaise idée, voilà pourquoi.

A la demande générale de deux Twittos impatients de savoir pourquoi je considère que la proportionnelle intégrale aux législatives est une bêtise absolue, je prends la plume.

Le texte sera court, les arguments contre cette réforme du mode de scrutin étant plutôt simples. Ils sont plutôt simples mais pas au point de pouvoir les expliciter avec 280 signes.

C’est le Modem qui souhaite déposer une proposition de loi pour modifier le mode de scrutin des élections législatives dès 2022. Le président des députés Modem à l’Assemblée nationale se démène pour convaincre de l’utilité de cette réforme.

Commençons par l’argument le plus risible de tous : avec cette réforme, le Modem se dit « soucieux de répondre à la crise démocratique » en mettant en toile de fond l’abstention record aux élections municipales. Qui peut croire une demi seconde que la réforme du mode de scrutin va redonner confiance aux Français dans la politique et générer une mobilisation massive des électeurs qui se diront « enfin mon vote va compter » ? Personne. Cela me fait penser à toutes ces lois votées pour « moraliser » la vie publique. Celle portée par le Modem (encore lui) au début du mandat d’Emmanuel Macron était censée retisser ce lien de confiance. On allait voir ce que l’on allait voir. On a vu. C’est vraiment spectaculaire > selon le baromètre 2020 de la confiance politique réalisé par le CEVIPOF, 71% des Français considèrent que les femmes et les hommes politiques sont corrompus. En clair, les réformes qui ont pour objectif affiché des restaurer la confiance dans la politique ne marchent jamais. Pire : avec la proportionnelle intégrale et malgré une prime majoritaire accordée aux listes arrivées en tête, il y a fort à  parier que des accords de gouvernance entre partis soient obligatoires pour dégager une majorité. En clair, des négociations de couloir pour se partager le pouvoir. Des négociations qui pourraient durer des semaines avant de trouver un accord comme cela se passe dans de nombreux pays européens. On imagine les dégâts dans l’opinion publique. L’image serait désastreuse.

Une autre conséquence néfaste sortirait de cette réforme du mode de scrutin : cela renforcerait le pouvoir des partis politiques qui pourraient ainsi faire élire sur un scrutin de liste des candidats qui n’auraient aucune chance d’être élus sur une circonscription. Cela ferait la place belle aux apparatchiks incapables d’avoir une implantation locale. Cela donnera également une belle image de la politique, à coup sûr.

Le dernier argument que je vais avancer dans ce texte (même s’il y en a d’autres plus marginaux) est certainement le plus important et le plus difficile à faire comprendre. Cette réforme si elle est adoptée viendrait définitivement rompre le lien entre les territoires et Paris. Ce lien, mis à mal par les reformes passées (dont l’interdiction du cumul des mandats Maire/parlementaire) est fondamental dans un pays hyper centralisée comme le nôtre. Tout se décide à Paris, absolument tout. Avons-nous déjà oublié la crise des gilets jaunes ? Le président de la République lui-même s’est rendu compte de cette rupture entre local et national puisqu’il a jugé utile de faire un tour de France pour rencontrer et écouter les maires. Nous le savons : des députés qui seront élus sur des listes (même départementales) n’auront aucun contact avec les acteurs locaux. Un exemple est là pour nous ne confirmer : les députés européens. Qui les connaît en France ? Qui les rencontre ? Aujourd’hui, de nombreux députés élus à l’Assemblée nationale en 2017 ne sont jamais présents dans leur circonscription (dans le Puy-de-Dôme nous sommes particulièrement bien servis dans ce domaine) mais d’autre font bien leur travail. Et leur travail, contrairement à ce que pense quelqu’un comme Jean-Louis Bourlanges (pour qui j’ai de l’estime par ailleurs), ne se situe pas qu’à Paris. L’ancrage local est TRES important pour capter les signaux faibles de l’opinion publique. En clair, si les députés avaient été plus ancrés territorialement, la crise des gilets jaunes aurait été évitée. Aujourd’hui, on propose de faire pire en rompant définitivement le lien entre le local et le national. C’est irresponsable.

Pour finir, pouvons-nous améliorer les choses ? Je pense que oui en adoptant deux mesures : augmentation de la durée du mandat présidentiel à 6 ans et réduction du mandat législatif à 4 ans. François Hollande a fait cette proposition fin 2019 et il a raison. Cela permettrait de déconnecter le mandat présidentiel et le mandat des députés. Au bout de 4 ans, on redonne la possibilité au peuple de changer de majorité, on donne de l’oxygène à notre démocratie. Cela peut aboutir à une cohabitation ce qui ne pose pas de problème particulier. L’histoire nous l’a montré. L’autre avantage de cette réforme serait d’allonger le mandat présidentiel qui est trop court aujourd’hui. Nous sommes à deux ans de la prochaine élection et on parle déjà que de cela dans les médias. Avec un telle réforme, je ne serais pas hositle à l’introduction d’une faible dose de proportionnelle (10% des députés) ce qui permettrait une meilleure représentativité du vote des Français sans avoir les défauts de la proportionnelle intégrale.